Damien Joyeux fonde en 2020, Rayflexion, un bureau d’études spécialisé dans la gestion de l’éclairage et la programmation. Après plusieurs expériences de technicien et de concepteur lumière, il se tourne vers la programmation afin d’accompagner l’ensemble des acteurs d’un projet d’éclairage. Son rôle couvre à la fois l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, l’appui technique à la maîtrise d’œuvre et l’accompagnement des concepteurs lumière.
Damien Joyeux intervient depuis les premières phases d’études jusqu’à la mise en route des scénarios lumineux, tout en assurant un suivi précis de l’installateur sur site afin que la réalisation corresponde parfaitement aux intentions du projet. La vocation de Rayflexion est ainsi de garantir la cohérence de l’ensemble du système d’éclairage, depuis le matériel jusqu’à la programmation, en veillant à la performance et à la qualité d’usage.
Comment définiriez-vous votre rôle d’intégrateur lumière ?
Damien Joyeux – Le rôle de Rayflexion consiste avant tout à identifier les solutions les plus pertinentes pour chaque projet. Cela passe par un travail continu de veille technologique qui permet de sélectionner les équipements les plus adaptés, mais aussi par le choix des protocoles de communication (DALI, DMX, Artnet, Casambi…) capables de répondre aux attentes de l’utilisateur final tout en s’intégrant aux contraintes techniques du site. Les champs d’application sont multiples : mise en lumière architecturale extérieure, gestion d’éclairage intérieur dans les commerces, restaurants ou espaces tertiaires, scénarisation dynamique pour des lieux culturels ou événementiels. Chaque situation nécessite une lecture fine des besoins et une capacité à orchestrer l’ensemble des éléments qui composent l’installation.

Comment travaillez-vous avec les concepteurs lumière ?
Damien Joyeux – En essayant de comprendre pleinement les enjeux esthétiques et sensibles d’une mise en lumière, nous sommes capables de traduire les intentions artistiques d’un concepteur en solutions techniques concrètes. J’ai souhaité créer Rayflexion pour répondre à un besoin fréquent : accompagner non seulement les concepteurs lumière et les maîtres d’ouvrage, mais aussi les installateurs qui, bien souvent, doivent composer avec des technologies qui évoluent très vite. Pour moi, la programmation doit s’adapter aux projets. En extérieur, on nous demande régulièrement de jouer sur les couleurs, d’imaginer des transitions ou de déclencher des scénarios à des moments spécifiques, liés à un événement ponctuel ou à un calendrier annuel. L’éclairage de la passerelle François Baud (concepteur lumière Atelier Jéol), à Morzine-Avoriaz (Haute-Savoie), en est un bon exemple : sa programmation évolue tous les six mois et alterne entre variations chromatiques et blanc dynamique pour s’adapter aux temps forts de la station. En intérieur, les mises en lumière dynamiques sont tout aussi présentes : restaurants, boutiques, salles de jeux vidéo ou même bureaux. On sous-estime souvent le rôle du blanc dynamique, qui crée des ambiances agréables et favorise le bien-être. Les systèmes de détection, eux aussi, peuvent être finement programmés selon les usages du lieu.
Vous évoquez là les systèmes de détection de lumière naturelle et de mouvement ?
Damien Joyeux – Oui, il s’agit d’une gestion plus fonctionnelle, destinée à limiter les consommations. Ces dispositifs pilotent l’allumage seulement lorsque la lumière naturelle devient insuffisante ou lorsqu’une présence est détectée. Ils permettent aussi de réguler l’intensité selon l’apport extérieur. Notre travail consiste à structurer l’ensemble : définir les scénarios, regrouper les circuits, déterminer les luminaires pilotés ensemble ou individuellement. Nous veillons généralement à ce que chaque appareil soit adressable, en DALI (Digital Addressable Lighting Interface) ou en DMX (Digital Multiplex), car cela permet de faire évoluer la programmation beaucoup plus facilement, par exemple en associant temporairement certains luminaires ou en les dissociant pour affiner un réglage. Le DMX est un protocole très courant dans le spectacle et l’événementiel : son signal unidirectionnel part du contrôleur et chemine de luminaire en luminaire, sans multiplier les câbles spécifiques à chaque fonction. Une seule ligne permet de gérer jusqu’à 512 canaux, ce qui donne une grande liberté de création.

À Paris, pour Fuga Space, un lieu événementiel, nous avons géré plusieurs toiles Barrisol intégrant des leds RGBW en DMX, capables de produire de véritables compositions lumineuses. Des passerelles DMX–DALI ont également été utilisées lorsque certains luminaires ne pouvaient être pilotés qu’en DALI.

Concepteur décorateur : Mickael Gouret – MGID – Conception lumineuse : Amocosy. (© Rayflexion)
N’est-ce pas compliqué à piloter pour l’utilisateur final ?
Damien Joyeux – Pas vraiment : nous veillons à simplifier l’usage. Les utilisateurs disposent de tablettes tactiles regroupant couleurs, intensités et scénarios prédéfinis. La facilité d’emploi découle du travail préalable d’adressage et de repérage. En phase d’étude, je réalise des synoptiques détaillés précisant la nature des matériels de gestion, leur emplacement, afin que l’installateur puisse intervenir sans problème. Le protocole DALI facilite d’ailleurs cette approche, puisqu’il permet l’interopérabilité entre luminaires, interrupteurs et capteurs de marques différentes. Il offre aussi la possibilité de contrôler individuellement jusqu’à 64 luminaires, de créer 16 groupes ou 16 scénarios, et de connaître en temps réel l’état de chaque appareil. Le plus complexe n’est pas l’installation, mais la définition des scénarios. Nous travaillons souvent en étroite collaboration avec les concepteurs lumière. Au Grand Rex, à Paris, le Studio Vicarini avait établi précisément la mise en lumière : notre mission a consisté à organiser sa mise en œuvre.
Mais il vous arrive parfois de créer des programmations dans les espaces tertiaires ?
Damien Joyeux – Oui, par exemple dans les restaurants, nous programmons souvent des scénarios qui se déclenchent automatiquement ou manuellement. Dans le cadre de mes interventions auprès de concepteurs lumière, ou d’installateurs, je commence toujours par expliquer clairement la différence entre DALI et DMX, car le choix du protocole conditionne l’ensemble du projet. Dans le secteur tertiaire, les systèmes de gestion prennent une place de plus en plus importante, notamment depuis le décret BACS. Les protocoles ne sont jamais interchangeables : chacun répond à une logique propre. Le rôle de l’intégrateur est précisément d’assurer cette cohérence globale, de maîtriser l’ensemble des interactions entre matériel et programmation, et de garantir un éclairage à la fois fonctionnel, performant et fidèle aux intentions du projet.
Propos recueillis par Isabelle Arnaud






