Dossier : Éclairage des musées

rijksmuseum, Amsterdam, Pays-Bas Architectes : Cruz y Ortiz Arquitectos (principaux), Van Hoogevest Erchitecten (rénovation), Wilmotte et Associés (intérieur) Conception lumière : Arup Lighting (Lumière du jour), Beersnielsen (œuvres) réalisation du projet éclairage : Philips Lighting - © Philips Lighting. Photo Corné Clemens & John Geven Studio's

Il y a 222 ans, les musées ouvraient leurs portes au public, et livraient par là même leurs œuvres à tous les risques, en particulier celui de la détérioration. S’est alors posée la question de leur protection, contre le froid, la chaleur, et bien entendu la lumière, pourtant indispensable à leur découverte. Qu’elle soit naturelle ou artificielle, la lumière peut aujourd’hui être contrôlée, donc maîtrisée ; tout d’abord via des dispositifs qui laisseront pénétrer les rayons du soleil mais en les détournant, des sources sans ultraviolet ni infrarouge, des luminaires équipés de cadreurs et enfin grâce à une gestion de plus en plus sophistiquée de l’éclairage naturel. Alors, lighting or not lighting ? Ce n’est peut-être pas là, la question…

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Tenir compte de la sensibilité des œuvres

On pourrait croire qu’il suffi de choisir de faibles niveaux d’éclairement pour éviter que les œuvres ne se détériorent, mais ce n’est pas tout à fait aussi simple. Il faut aussi tenir compte du temps d’exposition à la lumière selon leur sensibilité. L’Icom (Conseil international des musées) distingue plusieurs catégories d’objets selon leur sensibilité à la lumière. Les matériaux d’origine organique, par exemple, sont beaucoup plus sensibles aux effets photochimiques que les matériaux de nature minérale. Les objets qui contiennent des pigments, matières colorantes, teintures ou encres sont considérés comme particulièrement fragiles :

  • les peintures, spécialement les aquarelles car le rayonnement pénètre plus fortement leur mince couche colorée ;
  • les textiles, par ordre de sensibilité décroissante : soie, jute, coton, laine ;
  • les cuirs et peaux, les papiers dont la sensibilité dépend aussi de la colle employée comme apprêt ;
  • les bois qui peuvent subir une déformation et une modification de la couleur, les cires, les vernis et les laques.
    En revanche, les verres, émaux, céramiques, pierres, métaux et alliages s’altèrent beaucoup moins rapidement.

Une histoire de noir…

Les visiteurs de la Klimahaus (maison du climat) 8° Ost de Bremerhaven, en Allemagne, font un voyage à travers les différentes zones climatiques de la planète. De la Sardaigne à

Klimahaus 8° Ost Bremerhaven, Allemagne. Maître d’ouvrage : BEAN, Bremerhaven. Architecte : Gewers & Pudewill GmbH. Planificateur- éclairagiste : 2006-2007: Florian Reißmann et Angela Tiedt, tdrei Lichtplanung – 2007-2009 : Florian Reißmann, Inlux Lichtplanung, Hamburg. Solution éclairage : Régent éclairage. © Régent Eclairage
Klimahaus 8° Ost Bremerhaven, Allemagne. Maître d’ouvrage : BEAN, Bremerhaven. Architecte : Gewers & Pudewill GmbH. Planificateur- éclairagiste : 2006-2007: Florian Reißmann
et Angela Tiedt, tdrei Lichtplanung
– 2007-2009 : Florian Reißmann, Inlux Lichtplanung, Hamburg.
Solution éclairage : Régent éclairage.
© Régent Eclairage

la Suisse, de la mer des Wadden à l’Antarctique en passant par le Soudan – chaque pièce est un univers de découvertes à part entière et permet de faire l’expérience des différentes conditions climatiques. Afin de rendre le changement climatique bien perceptible, chaque pièce présente un univers de découvertes propre, entièrement confiné et séparé du monde extérieur. Ainsi, il fut prévu que toute l’exposition serait plongée dans le noir, ce qui représentait donc un défi particulier sur le plan de la conception lumineuse. La lumière devait jouer un simple rôle intégratif, l’œil du visiteur devant pouvoir se porter sur différents endroits sans néanmoins rien enlever au mystère de la nuit. Seule une procédure flexible dans le cadre de la planification technique de la lumière pouvait garantir des solutions optimales capables de répondre à ces conditions. Ainsi Régent éclairage a proposé le spot Poco, pouvant être utilisé de manière très flexible et doté d’un cache de protection anti-éblouissement et de filtres de couleur, et le luminaire profilé Channel. Tous deux ont permis de définir les accents de lumière souhaités et de créer des limites claires entre zones obscures et objets illuminés. Le système spot Poco est, entre autres, la possibilité de remplacer les réflecteurs au moyen d’une fermeture à baïonnette et de modifier ainsi l’angle de rayonnement entre spot et spectre large.
Autre exemple, non volontaire, celui-là : le musée des Marais Salants à Batz-sur-Mer, dont la partie concernant les expositions permanentes a été entièrement rénovée et agrandie, a rouvert ses portes à l’été 2013. À l’intérieur d’un édifice façonné par la saliculture artisanale et le machinisme industriel du XIXe siècle, le parcours de visite permanent s’y déploie sur près de 800 m² où l’on découvre la culture ancestrale des gens du marais, paludiers, sauniers, gabariers et autres acteurs d’une société originale tournée vers l’exploitation du sel. Le musée présente environ 1 500 pièces de collections ethnographiques et textiles, Beaux-Arts et arts décoratifs et valorise, dans des montages audiovisuels les fonds iconographiques et imprimés. Dans les salles de l’exposition permanente, un jeu d’ombres et de lumières met en relief les collections Musée de France. Est ainsi conservée l’atmosphère du lieu qui intègre projections sur paroi verre, écrans interactifs, dans le respect des normes de conservation préventive des œuvres. Environ 160 projecteurs ont été nécessaires, équipés de lampes halogènes car, à l’époque de l’étude APS, en 2008 (indépendante de la salle d’exposition temporaire réalisée en 2014, voir p. 22), les LED n’avaient pas encore fait leurs preuves. Il faut croire que certains projecteurs non plus ! L’étude d’éclairage avait été définie en amont avec un cahier des charges précis auquel le fournisseur a répondu avec « l’équivalent » en termes de performances. Le projet d’éclairage d’un musée est complexe, avec de nombreuses contraintes, parfois contradictoires, aussi budgétaires. Le jour des réglages arrive, les rails sont en place, les projecteurs disposés et orientés comme il se doit, et… allumage ! Dans les jours suivants, une dizaine d’appareils s’éteignent, les lampes sont incriminées, on les change. Un relamping sera même effectué sur l’ensemble du parc avant l’inauguration, mais les cadreurs continuent à montrer des défaillances. L’installateur revoit le dispositif qui fonctionne parfaitement, le fournisseur fait appel au fabricant qui finit par se déplacer et explique aux conservateurs qu’il faut lire le mode d’emploi. Pris à son propre argument, il fait une démonstration, règle et resserre les fils dans les dominos de la dizaine de luminaires en panne (à 3 m de haut) et disparaît (à noter que la société a été rachetée depuis par un autre fabricant). Aujourd’hui, soit un an après l’ouverture des salles d’exposition permanente, le problème persiste. Un service de maintenance a été mis en place pour intervenir régulièrement sur les projecteurs défectueux…

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