Rénovation de l’éclairage : la CRE prend position

avis du Comité de prospective de la Commission de régulation de l'énergie

Depuis sa création, le 24 mars 2000, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) veille au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs finals et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique. Le comité de prospective de la CRE vient de publier sur son site un avis sur l’intérêt et l’urgence de rénover l’éclairage.

Rénovation de l’éclairage : quel potentiel de contribution à la maîtrise de la demande énergétique?

L’éclairage, public comme privé, représente en France entre 42 et 49 TWh de consommation d’électricité, soit près de 10 % de la consommation nationale annuelle[1]. Il représente 12,8 % de la consommation électrique des ménages et 41 % de la consommation électrique totale des collectivités territoriales[2].

Ces consommations liées à l’éclairage regroupent des usages divers : la plupart en intérieur – éclairage domestique, des bureaux privés, des commerces, des bâtiments publics, des bâtiments de santé, éclairage industriel ou encore de l’hôtellerie-restauration – d’autres en extérieur – notamment, l’éclairage public, mais aussi l’éclairage des enseignes lumineuses. Chacun de ces usages génère des externalités en termes de sécurité, de confort, de bien-être, de productivité, etc. qu’il est difficile de quantifier. Or, dans un contexte de tensions sur l’approvisionnement électrique, comment maîtriser la consommation électrique liée à l’éclairage ? Quels usages cibler et comment ?

Mieux optimiser la consommation électrique de l’éclairage ne peut se faire sans rénovation : cela implique non seulement une réduction de la puissance installée grâce une meilleure efficacité lumineuse, mais aussi une réduction de la durée de fonctionnement des luminaires grâce au pilotage de la consommation, permis par des dispositifs d’automatisation –par exemple de détection de mouvements, de lumière du jour ou de télégestion.

  • Rénover le parc lumineux pour réduire la consommation unitaire des luminaires

Un des premiers objectifs du remplacement des luminaires est d’obtenir une meilleure efficacité lumineuse (mesurée en lm/W), c’est-à-dire un flux lumineux plus important pour une capacité installée plus faible.

Dans cette optique, plusieurs règlements européens prévoient le remplacement progressif des sources lumineuses les moins efficaces : les ampoules à incandescence ne sont ainsi plus disponibles sur le marché depuis 2013, de même que les lampes halogènes depuis 2018, car elles consacrent une large majorité de leur énergie consommée à la transformation de chaleur et non à l’éclairage. Alors qu’aujourd’hui, sur le territoire européen, le marché des luminaires se partage entre deux technologies, les diodes électroluminescente (LED) et les lampes fluorescentes (LFC), la plupart de ces dernières se verront également retirer leur autorisation de mise sur le marché à partir de 2023[3]. En plus de proposer un rendement énergétique supérieur aux LFC, les LED disposent d’une durée de vie plus longue : de 35 à 100 000 heures, contre 2 000 heures pour les lampes halogènes et 8 à 20 000 heures pour les lampes fluorescentes[4]. Enfin, les LED fonctionnent comme des cellules photovoltaïques “à l’envers”, et bénéficient des progrès massifs en termes de technologies de production qui tirent également les coûts du PV à la baisse.

  • Rénover le parc lumineux pour mieux piloter les consommations et réduire la durée de fonctionnement des luminaires

La rénovation du parc lumineux ne s’arrête pas au remplacement des luminaires les moins efficaces énergétiquement : la rénovation doit permettre d’intégrer aux nouveaux équipements des fonctions de détection de présence et de variation d’intensité lumineuse en fonction de la lumière du jour, favorisant une gestion optimisée de l’éclairage.

Pour les bâtiments neufs, la règlementation thermique de 2012 (RT2012) préconise ainsi l’installation de détecteurs de mouvement, de lumière du jour et d’apports solaires naturels, avec notamment l’installation d’un système d’extinction ou d’abaissement de l’éclairage dans toutes les circulations et parties communes ainsi que des dispositifs d’extinction automatique lorsque l’éclairage naturel est suffisant.

Concernant les bâtiments non-résidentiels, la durée de fonctionnement des équipements d’éclairage est réglementée : l’arrêt des équipements d’éclairage doit intervenir une heure après la fin de l’occupation pour les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel[5].

Une rénovation lente et incomplète en France, malgré de potentiels gains énergétiques non-négligeables

  • L’équipement en LED reste très contrasté et la France se caractérise par son retard

Le taux d’équipement en LED se situe entre 70 et 80 % en Allemagne et au Royaume-Uni, contre 30 % en France, avec des taux contrastés – particulièrement bas par exemple pour l’éclairage public, dont seulement 20 % du parc est équipé de LED. Les économies envisageables sur la puissance installée s’élèvent pourtant à 60 % pour le parc domestique (sur une puissance installée de 8,9 GW, soit près de la moitié du parc total installé), contre 50 % sur l’éclairage public, l’éclairage des bâtiments de santé, des commerces ou encore des lieux dédiés à l’hôtellerie-restauration[6]. Quant au parc français d’éclairage public, il est vieillissant : 25 à 30 % des luminaires en service ont plus de 25 ans. Entre 2012 et 2018, près de 80 % des luminaires d’éclairage public auraient dû être remplacés du fait de la réglementation européenne et des nouvelles performances électriques et photométriques des sources et luminaires[7].

  • Le gains énergétiques potentiels sont décuplés si la rénovation intègre des fonctions de pilotage de la consommation éclairage de l’éclairage

Ces potentiels de réduction de consommation revêtent différentes formes : un pilotage « ON-OFF » permis par l’automatisation des dispositifs d’éclairage avec détection de présence mais aussi des flexibilités plus fines permettant une gradation de l’intensité lumineuse selon différents critères – comme l’heure de la journée, le nombre de personnes présentes dans une pièce, etc. Selon les estimations de l’Ademe, des économies jusqu’à 50 % sur la durée d’usage, en équivalent pleine puissance, sont possibles pour l’éclairage des enseignes lumineuses. Le potentiel d’économies est également important pour l’éclairage des bureaux privés, des commerces et des bâtiments publics (30 % d’économies) : en effet, les bureaux privés sont éclairés en moyenne entre 2 500 et 3 000 heures par an, alors que le temps de présence est inférieur de plus de 30 % à ces valeurs[8].

Selon l’Ademe et le Syndicat de l’éclairage, le potentiel de réduction de consommations énergétiques après rénovation serait donc de plus de 25 TWh – soit une consommation annuelle d’électricité dédiée à l’éclairage qui passerait de 42 à 16 TWh, en réduction de 60 %. Les gisements de gain énergétiques les plus importants (- 65 %) se trouvent dans l’éclairage industriel, des enseignes lumineuses et l’éclairage public.

Pour expliquer le faible rythme de rénovation de l’éclairage en France – qui s’établirait entre 1,5 et 3 % annuels depuis 2015 –, la filière met en avant divers obstacles : d’abord, les faibles montants moyens investis pour rénover les parcs d’éclairage, que ce soit au sein d’entreprises ou de collectivités, qui ne favorisent pas le passage à l’échelle. Les Certificats d’économie d’énergie (CEE) seraient également mal adaptés à ces petits montants d’investissements. Enfin, les dispositifs de soutien à la rénovation de l’éclairage sont fréquemment englobés dans des dispositifs plus larges dédiés à l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment, ce qui exclut de fait l’éclairage public et relègue souvent la rénovation de l’éclairage en second plan, après les dépenses dédiées à la rénovation du chauffage ou aux travaux d’isolation des bâtiments – ce qui explique le manque d’intérêt des financeurs privés et la réticence des collectivités pour les grands travaux de rénovation de l’éclairage. Cette tendance conduit également les acteurs à engager des travaux de remplacement de leur parc par des luminaires plus efficaces, sans aller jusqu’à l’introduction de dispositifs d’automatisation ou de pilotage plus fins des consommations.

La rénovation du parc lumineux, partie intégrante de la rénovation énergétique des bâtiments, est un enjeu d’exemplarité pour le secteur public

Le secteur résidentiel représente environ 37,8 % de la consommation finale d’énergie en France[9]. RTE prévoit, dans sa trajectoire de référence, une réduction de 25 % de la consommation électrique de chauffage à horizon 2050 du fait d’une intensification de la rénovation thermique des bâtiments[10], avec une consommation électrique qui baisserait dans le résidentiel (d’environ 160 TWh en 2021 à environ 135 TWh en 2050). Si l’éclairage ne représente qu’une faible part de la consommation totale du secteur résidentiel (moins de 10 TWh), sa trajectoire de consommation est particulièrement baissière : RTE estime que la consommation électrique pour l’éclairage est susceptible d’être divisée par quatre d’ici 2050 par le seul effet de la généralisation des ampoules LED et de l’amélioration de leur performance énergétique[11].

Pour le secteur public, la rénovation de l’éclairage public est aussi un enjeu d’exemplarité, d’autant plus que les usages de l’éclairage dans les bâtiments publics et pour l’éclairage public extérieur représentent environ 12 TWh si on inclut les consommations liées à l’éclairage des bâtiments de santé – soit plus d’un quart de la consommation totale liée à l’éclairage.

La rénovation du parc lumineux peut contribuer, pour des coûts faibles, à la sécurité d’approvisionnement en électricité dès l’hiver prochain. Pour cela, il faut sensibiliser les utilisateurs aux enjeux énergétiques de l’éclairage et aux bonnes pratiques associées mais aussi adopter une approche en coût global intégrant l’ensemble de la durée de vie de l’installation choisie. Il est souhaitable de mener des travaux de rénovation associant aux nouvelles sources de lumière plus efficaces, des auxiliaires et dispositifs d’automatisation pour une gestion efficace de l’éclairage, permettant d’adapter la consommation aux besoins réels.

CRE : https://www.cre.fr

Comité de prospective de la CRE : https://www.eclairerlavenir.fr/


[1] Estimations du Syndicat de l’éclairage et de l’Ademe (https://expertises.ademe.fr/professionnels/entreprises/performance-energetique-energies-renouvelables/lenergie-bureaux/dossier/leclairage/saviez).

[2] Source : https://expertises.ademe.fr/collectivites-secteur-public/patrimoine-communes-comment-passer-a-laction/eclairage-public-gisement-deconomies-denergie

[3] Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/02/22/l-europe-entend-continuer-a-exporter-les-toxiques-et-energivores-ampoules-au-mercure_6114675_3244.html

[4] Source : https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/l_eclairage_a_diodes_electroluminescentes_avis_ademe_maj_avril_2017.pdf

[5] Arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie.

[6] Estimations du Syndicat de l’éclairage et de l’Ademe.

[7] Projet européen Streetlight – EPC : La France compte 10 millions de points lumineux en éclairage extérieur pour une consommation de 5,6 TWh.

[8] Source : http://www.afe-eclairage.fr/docs/2019/11/27/11-27-19-10-43-FICHE%201%20%C3%89CLAIRAGE%20DANS%20LES%20COLLECTIVIT%C3%89S%20LES%20CHIFFRES%20CL%C3%89S.pdf?PHPSESSID=gelmb3h7nvfe1hisv92dtco9m0

[9] Source : https://bilan-electrique-2020.rte-france.com/consommation-repartition-sectorielle-de-la-consommation-2/

[10] Source : https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-02/BP50_Principaux%20re%CC%81sultats_fev2022_Chap3_consommation.pdf

[11] Source : https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-02/BP50_Principaux%20re%CC%81sultats_fev2022_Chap3_consommation.pdf

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