Guillaume Courcelle, IBS : « Le thème numéro 1 et phare de cette édition d’IBS : « La sobriété énergétique et la décarbonation ». »

Tous les ans, le salon IBS rassemble l’ensemble des acteurs du Smart Building et de la gestion de l’énergie et du confort pour les bâtiments tertiaires industriels et collectifs. Cette édition est plus que jamais au cœur des enjeux, avec l’augmentation des prix de l’énergie et la sobriété appelée de ses vœux par les pouvoirs publics. Guillaume Courcelle, directeur du salon IBS, revient sur les thèmes phares abordés sur le salon, sur les tendances du marché et sur les évolutions du salon pour les années à venir.

Pouvez-vous nous présenter les particularités de cette édition d’IBS ?
Guillaume Courcelle – Depuis sa création en 2010, le salon IBS a la particularité d’être le seul événement professionnel dédié à l’intelligence et la performance des bâtiments tertiaires, industriels et collectifs. Il s’est toujours inscrit dans une démarche de réflexion et d’échanges entre acteurs de la filière pour promouvoir une vision européenne d’une gestion technique et énergétique du bâtiment plus « résiliente, inclusive et connectée », tout en offrant des services numériques utiles aux utilisateurs. Le salon IBS présente également la particularité d’être un salon et un congrès capable de réunir 200 exposants, 7 000 visiteurs et auditeurs. Ce qui en fait un événement à fort contenu et un lieu d’exposition entre des offreurs de solutions dans les domaines de la GTB, l’autoconsommation, la régulation, les CVC, la connectivité du bâtiment et des porteurs de projets (maîtres d’ouvrage, prescripteurs, installateurs intégrateurs) qui viennent les rencontrer. Autre particularité, IBS se tient en parallèle du salon Smart City + Smart Grid dédié à l’innovation numérique pour les villes et les territoires pour la 7e année de suite, offrant aux visiteurs du secteur privé et des collectivités un panorama complet des technologies du bâti et de l’urbanisme intelligent, durable et connecté.

Quels sont les thèmes phares cette année ?
G. C. – Le thème numéro 1 et phare de cette édition, « La sobriété énergétique et la décarbonation » ou comment réussir à décarboner les bâtiments tertiaires, industriels ou collectifs pour accompagner les préoccupations fortes face aux risques du dérèglement climatique et de la fin annoncée des énergies fossiles. Dans ce thème, l’ensemble des questions relatives à la sobriété du bâtiment connecté seront abordées au même titre que le stockage d’énergie et la gestion de la recharge des véhicules électriques. Le thème des « Innovations, nouvelles technologies et tendances dans le bâtiment » se recentrera sur des procédés et des technologies concourant à la numérisation et à l’automatisation intelligente du bâtiment grâce à l’IoT, l’IA, le BOS ou encore le jumeau numérique. Le thème « Approches services datas et sécurité » abordera les services apportés aux occupants, particulièrement avec les nouveaux usages conditionnés par la sobriété énergétique. Les sujets de la cybersécurité et de la gouvernance des datas étant parmi les préoccupations majeures pour le fonctionnement d’un bâtiment connecté, sera largement abordé. Enfin, le thème « Mise en œuvre, applications marchés et compétences » ferme les cycles, avec des sujets centrés autour des réglementations (RE2020, BACS et tertiaire) et des concepts comme le Building as a Service ou le Digital as a Service.

En quoi le contexte géopolitique et les enjeux d’économies d’énergie impactent cette édition ?
G. C. – Il est difficile de se projeter en raison de la hausse des prix de l’énergie, de la pénurie des matières premières et de l’énergie aggravée par la guerre en Ukraine. Mais tous ces phénomènes auront probablement un impact sur le secteur de la construction dans les années à venir.

Le gouvernement a multiplié les annonces, ces derniers mois, pour réduire nos consommations énergétiques et préparer un hiver difficile. En quoi les solutions de gestion du bâtiment présentées sur le salon constituent une réponse à ces exigences ?
G. C. – Installer une GTB permet de piloter les équipements à distance, de visualiser les consommations énergétiques et les indicateurs de performance, les alertes et les dérives. Une bonne GTB permet d’optimiser les réglages et de former les équipes de maintenance. Les solutions de GTB répondent donc tout à fait aux exigences, puisqu’elles permettent de réduire les consommations énergétiques et les émissions carbone. Et rappelons que le décret tertiaire impose de réduire de 40 % la consommation énergétique dans les bâtiments d’ici à 2030, afin de lutter contre le réchauffement climatique, et permet une gestion durable de l’énergie. Le décret Bacs qui en découle va plus loin, car il contraint à une obligation de suivi annuel. Les bâtiments tertiaires neufs et existants devront ainsi être équipés de GTB d’ici au 1er janvier 2025. Sont concernés : tous les systèmes de chauffage, climatisation et ventilation équipés d’une puissance nominale cumulée dépassant les 290 kW/h et les bâtiments anciens de 3 000 m2 ou ceux de plus de 5 000 m2 construits depuis la RT 2005.

Quelles solutions les visiteurs pourront-ils découvrir cette année sur IBS ?
G. C. – Les solutions sont nombreuses et variées. Les visiteurs pourront découvrir des solutions innovantes dédiées à l’optimisation des consommations d’énergie et à la réduction de l’empreinte carbone du bâtiment. Des logiciels SaaS (Softwares as a Service) capables d’acquérir et de centraliser tout type de données énergétiques issues de sources variées. Des solutions d’éclairage intelligent, d’analyse de l’air connectées pour le bâtiment, la digitalisation des systèmes de CVC, ou encore des solutions de maintenance prédictive. Ils pourront également découvrir des services d’assistance, ou « packs décret tertiaire », pour aider les propriétaires et preneurs à déclarer leurs données énergétiques pour répondre aux exigences du dispositif Eco-énergie tertiaire (3 mois de répit viennent d’être accordés par le législateur pour déclarer ses données au plus tard le 31 décembre).

Les solutions de gestion du bâtiment sont aujourd’hui présentes dans la loi, au travers du décret tertiaire et du décret BACS. Dans quelle mesure ces textes vont-ils permettre de faire accélérer le déploiement des solutions de performance énergétique active ?
G. C. – Le décret incite les fabricants de solutions à se mobiliser afin de répondre à ces obligations. À titre d’exemple, l’année 2021 a été dynamique pour le secteur du bâtiment et les besoins de s’équiper d’une GTB par les donneurs d’ordre privé se sont accélérés. Ce dynamisme se renforce également par le nombre croissant de commandes publiques et les permis de construire déposés par l’Etat et les collectivités qui tendent à augmenter. On constate que le marché est soutenu à la fois par le privé et le public. Il est néanmoins difficile de se projeter en raison de la hausse des prix de l’énergie, de la pénurie des matières premières et de l’énergie, aggravée par la guerre en Ukraine. Et tous ces phénomènes auront probablement un impact sur le secteur de la construction dans les années à venir.

Dans ses annonces, le gouvernement sous-entend également de privilégier l’électricité pour de nombreuses applications, afin de s’affranchir des énergies fossiles importées. La migration progressive des usages vers l’électricité est-elle bénéfique, selon vous, et pour quelles raisons ?
G. C. – L’électrification des nouveaux usages dans les bâtiments représente un défi pour le tertiaire : IRVE, fibre, pilotage énergétique, capteurs… Entre les nouveaux usages qui explosent et les objectifs de décarbonation à atteindre, la consommation électrique va fortement progresser dans les prochaines années. D’ici 2040, l’Ademe estime que la demande en électricité aura grimpée de 30 %. Mais comment fait-on si l’on veut assurer la continuité des services et ne pas risquer une surcharge du réseau électrique d’un bâtiment ? Dans ces conditions, la nécessité d’équiper rapidement tous ces bâtiments d’une infrastructure numérique capable de connecter les bâtiments et de gérer l’énergie en temps réel pour répondre à la forte demande est essentielle. Les solutions de pilotage et de flexibilité telles que le Vehicle-to-grid permettent de puiser et de redistribuer l’énergie stockée dans la batterie d’un véhicule électrique vers le bâtiment ou le réseau électrique, selon les besoins et la demande en énergie. Ou encore, le stockage de l’énergie, qui consiste à préserver une quantité d’énergie produite pour un usage ultérieur sont des solutions d’avenir.

Au-delà de la performance énergétique, le bâtiment prend progressivement une place de hub énergétique, avec le développement de l’autoconsommation et l’intégration d’infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE). Comment ces changements impactent-ils les métiers des exposants d’IBS et la nécessité d’intégrer plus d’intelligence au bâtiment ?
G. C. – Oui, le bâtiment devient une « station multi-services » qui intègre toujours plus d’intelligence et de services grâce au numérique. La convergence entre le bâtiment et la mobilité électrique en est un parfait exemple. La multiplication des installations de production d’énergie renouvelable et particulièrement sur les bâtiments et les infrastructures, et le stockage de l’énergie pour une utilisation ultérieure se développent. Mais doit-on privilégier une production locale ou décentralisée ? Comment équiper durablement les bâtiments en accompagnant la décarbonation ? Quelles technologies choisir ? La technologie V2B (V2G (Vehicule-to-grid) qui permet de puiser et de redistribuer l’énergie stockée dans la batterie d’un véhicule électrique vers le bâtiment ou le réseau électrique selon les besoins et la demande en énergie est un exemple intéressant. On voit bien que les nouveaux usages, le développement des nouvelles mobilités (la mobilité douce, notamment), la généralisation du télétravail et les besoins en énergie transforment en profondeur les usages du bâtiment et ont un impact sur les métiers des exposants.

Constatez-vous un engouement autour des sujets liés au Smart Building et à la Smart City ?
G. C. – Oui très clairement, l’engouement pour le bâtiment et la ville intelligente se confirme et preuve en est avec la tenue conjointe du salon Smart City + Smart Grid, dédié à l’innovation numérique pour la ville et les territoires, au salon IBS depuis 7 éditions. Une agglomération urbaine désigne un ensemble urbanisé, un regroupement de bâtiments qui forme un quartier. Les préoccupations du bâtiment sont étroitement liées à celles de la ville. Sans les Smart Buildings pas de Smart Cities.

Comment le visitorat du salon a évolué ces dernières années ?
G. C. – Le visitorat d’IBS est en progression constante depuis sa création en 2010 et un quart du visitorat est détenteur de budget au sein de l’entreprise, ce qui montre un engouement des visiteurs au fil des ans pour la thématique du salon et un profil de qualité.

Constatez-vous l’arrivée de nouveaux profils ?
G. C. – Nous accueillons aujourd’hui davantage de maîtres d’ouvrage, promoteurs-constructeurs et de prescripteurs du bâtiment (architectes-bureaux d’études techniques). Le métier d’installateur intégrateur, par exemple, a évolué vers la domotique, avec des certifications qui offrent de nouvelles possibilités dans le domaine des systèmes de gestion domotique. Aujourd’hui, l’intégrateur installateur est un technicien chevronné qui joue un rôle de premier plan dans le déploiement de systèmes de sécurité électronique d’un bâtiment et qui doit se former pour acquérir les compétences de demain.

L’enjeu des compétences est aujourd’hui fondamental pour mener à bien ces transitions. Comment adressez-vous ces sujets sur le salon ?
G. C. – À travers des conférences dédiées à la montée en compétence des opérateurs de la filière bâtiment. Qu’il s’agisse de concevoir, d’installer et de maintenir les systèmes communicants, quelles sont les filières et les possibilités de mise à niveau ? Quelles formations pour accompagner la révolution numérique du bâtiment ? Comment les acteurs de la filière s’organisent-ils sur ce sujet ? Les réponses sont à trouver sur les stands qui proposent des certifications pour les intégrateurs installateurs comme KNX ou LonMark.

Depuis quelques années, nous assistons à l’arrivée d’acteurs de la mobilité, au travers des solutions de recharge des véhicules électriques. Quels sont les liens entre bâtiment et mobilité ?
G. C. – Un constat a été établi par la profession : 90 % de la recharge de véhicules électriques s’effectue dans un bâtiment (à domicile ou au travail). Le véhicule électrique devient un outil d’autoconsommation pour le bâtiment, mais aussi de flexibilité énergétique pour la ville. La convergence entre le bâtiment et la mobilité électrique, tout comme le bâtiment et la ville, est avérée.

Pensez-vous que ce sujet gagnera en puissance dans les années à venir ?
G. C. – Oui c’est certain, aujourd’hui une voiture sur dix vendue en France fonctionne à l’électricité. En 2030, 58 % des voitures neuves seront électriques, selon les estimations du BCG. Les besoins en infrastructures seront donc considérables pour répondre à la demande, et la pression sur les propriétaires fonciers et les gestionnaires de bâtiments n’a jamais été aussi forte pour installer des infrastructures adaptées, qui vont même au-delà du simple équipement de bornes de recharge. Les Etats et les politiques s’en préoccupent également. Le 8 juin dernier, le Parlement européen a adopté l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035. La loi d’orientation des mobilités (LOM) impose, à compter de 2025, que les parcs de stationnement des bâtiments non résidentiels existants devront disposer d’au moins un point de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables par tranche de 20 places de stationnement. Ce sujet gagnera en puissance dans les années à venir.

Quels nouveaux acteurs pensez-vous pouvoir attirer lors des prochaines éditions ?
G. C. – Nous souhaitons faire venir sur le salon les acteurs spécialisés dans le stockage de l’énergie par exemple, mais aussi dans le solaire, avec le développement d’ombrières photovoltaïques sur les parkings pour autoconsommer (vous produisez et consommez votre propre énergie verte au niveau local) ou revendre de l’énergie décarbonée. Avec la loi LOM, les projets d’ombrières photovoltaïques s’inscrivent dans la conformité sur l’équipement de bornes de recharge. On va bien, là encore, vers une synergie intelligente entre mobilité électrique et ombrières photovoltaïques.

Quels sont vos objectifs pour cette édition ?
G. C. – Notre premier objectif est de dépasser les 7 000 visiteurs sur le salon cette année. Ensuite, nous voulons tester nos rendez-vous business entre industriels et porteurs de projets, qui est une nouveauté cette année. Nous souhaitons également fédérer de nouveaux acteurs à travers « Le Lab e-mobility by IBS » pour promouvoir l’électro-mobilité dans le bâtiment. Enfin, l’objectif est qu’IBS reste le salon référent de la performance des bâtiments tertiaires, industriels et collectifs pour les professionnels du secteur.

Comment le salon va-t-il évoluer dans les années à venir ?
G. C. – Un salon se doit d’être le reflet d’un marché dynamique à un instant T, mais doit aussi être capable de se projeter. Depuis quelques années, le bâtiment a gagné en intelligence, grâce à l’arrivée du numérique, permettant une optimisation du fonctionnement des équipements et un développement des usages. En plus d’être au service de l’occupant, le numérique est au service du bâtiment lui-même, avec des bénéfices sur ses performances énergétique et opérationnelle. En neuf, mais aussi, et surtout, en rénovation. Le déploiement des Smart Buildings est un vecteur de performance énergétique et de services opérationnels. Le bâtiment connecté se doit d’être éco-responsable et durable, car les usages numériques sont responsables de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ; ce chiffre devrait doubler d’ici 2025. Le numérique consomme de nombreuses ressources non renouvelables.

Avez-vous mis en place une démarche de développement durable pour le salon, notamment sur le recyclage et la réutilisation des éléments de décor ou la réduction de l’empreinte environnementale, par exemple ?
G. C. – Nous avons mis en place, depuis plusieurs années, une démarche de développement durable sur l’ensemble de nos salons au sein de notre groupe Infopromotions. Parmi les actions, une généralisation de l’éclairage led sur les stands, l’installations de moquette recyclée, le recours à des matériaux recyclables type bois pour les cloisons de stands et carton pour la signalétique visiteurs, le recours le plus possible à la location de mobilier, la limitation de l’usage du papier (dématérialisation du catalogue, des programmes de conférences, sensibilisation auprès nos partenaires de la presse professionnelle) et enfin, le covoiturage. Le gestionnaire de Paris Expo Porte de Versailles, Viparis, adopte également depuis plusieurs années une démarche éco-responsable, avec et auprès des organisateurs d’événements, pour réduire l’empreinte carbone des foires et salons organisés sur l’ensemble des sites d’exposition de Paris et de la région Île-de-France.

Que pouvons-nous vous souhaiter pour les prochaines éditions ?
G. C. – IBS a acquis une solide notoriété depuis 2010 auprès des professionnels du secteur du bâti comme étant un salon spécialiste. IBS a été précurseur dès les premières années, il y a plus de dix ans, en faisant de la performance énergétique du bâtiment un thème majeur du salon. Que pouvons-nous souhaiter à IBS ? Qu’il perdure et fête ses 20 ans existences !

Propos recueillis par Alexandre Arène

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