Nacira Salvan, présidente du Cefcys : « Parmi les professionnels de la cybersécurité, on ne compte que 10 à 11 % de femmes. »

Cheffe de la mission politique de Sécurité au ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer et présidente fondatrice, Cefcys..

Ingénieure et docteure en informatique, Nacira Salvan est détentrice d’au moins une vingtaine de certifications dans le domaine de la cybersécurité. Elle a occupé des postes à responsabilité dans de grands groupes et est aujourd’hui cheffe de la mission politique de Sécurité au ministère de l’Intérieur. Elle crée le Cefcys (Cercle des femmes de la cybersécurité) en 2016 afin de susciter des vocations féminines dans le domaine de la cybersécurité et lance de nombreuses initiatives pour renforcer sa démarche.

Pouvez-vous nous présenter le Cefcys ?
Nacira Salvan – J’ai créé le Cefcys en 2016, car le secteur de la cybersécurité est en recherche constante de profils qualifiés. Parmi les professionnels de la cybersécurité, on ne compte que 10 à 11 % de femmes. La première raison de ce déséquilibre est liée aux stéréotypes sur le numérique et les métiers techniques. Ensuite, il s’agit d’une filière méconnue et mal jugée, comme étant un métier d’hommes. Le Cefcys vise à faire progresser la présence et le leadership des femmes dans les métiers de la cybersécurité et à promouvoir ces métiers auprès des jeunes, pour montrer que cette filière a besoin de tous les profils, notamment féminins. Au vu des nombreux enjeux que connaît la filière aujourd’hui, tous les secteurs sont touchés. Dans ce métier, on peut sauver des vies : on a beaucoup entendu parler des opérations de ransomware contre les hôpitaux. Comment soigner les patients si on n’a pas accès à leurs dossiers médicaux ? Nous faisons régulièrement des interventions dans les collèges, les lycées et autres institutions pour susciter des vocations. En 2019, j’ai publié un livre qui présente les métiers de la cybersécurité et les formations existantes. Par ailleurs, nous nous adressons aux femmes, qui doivent mettre fin au sentiment d’imposture, car elles ont pleinement leur place dans ces métiers, et la diversité des profils est une richesse. L’association compte aujourd’hui plus de 500 adhérents, qui construisent ensemble la parité.

Quelles sont vos actions pour accélérer la féminisation des métiers de la cybersécurité ?
N. S. – Nous avons développé un processus d’accompagnement pour nos adhérentes, commençant par le mentorat individuel ou groupé pour les écoles. Nous organisons régulièrement des masterclass et des formations offertes par nos partenaires. Nous clôturons ce cycle d’accompagnement par un salon de recrutement féminin, dédié aux étudiantes, jeunes diplômées et aux femmes en quête d’une reconversion professionnelle. Le prochain aura lieu le 12 mars prochain. Il existe des dizaines de métiers, dont, par exemple, le pilotage, l’organisation, la gestion des risques SSI, la mise en place des mesures de sécurité, le maintien en condition de sécurité, la gestion des incidents et la résilience. Depuis 4 ans, j’organise les Trophées européens de la femme Cyber, dont la dernière édition a eu lieu en décembre dernier. La première année, 35 % des femmes, pourtant recommandées par leur entourage, n’ont pas souhaité concourir en justifiant ce refus par le fait qu’elles ne le méritaient pas ! La situation s’est améliorée, mais nous essuyons encore des refus de femmes qui ne se sentent pas légitimes. J’ai également publié un second ouvrage qui recense plus de 65 profils féminins, pour faire émerger des « Role Models ». Mon dernier projet en date pour 2024 est un podcast, qui compte deux numéros par mois, où j’interroge des femmes sur les métiers de la cybersécurité. Mettre en avant des exemples de femmes ayant réussi dans cette filière peut paraître dérisoire, mais je constate que l’identification est un sujet central.

Quelle est votre vision sur la féminisation des métiers de la cybersécurité et de l’IT au sens large à date et pour les années à venir ?
N. S. –
En 2016, je distribuais des tracts lors du Forum international de la cybersécurité pour annoncer la création du Cefcys, et j’ai essuyé un certain nombre de moqueries. Aujourd’hui, la donne a changé, les hommes acceptent davantage la présence de femmes dans ces métiers et nous aident dans nos actions. Je suis ravie de voir un grand nombre de femmes prêtes à se lancer.

Propos recueillis par Alexandre Arène

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